Le temps tend Tristan

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Je suis en pleine séance d’écriture quand débarque Gaétan.
‑ Je ne t’attendais pas ! C’est important ? je demande, pas très invitant.
Pourtant, en temps normal, je suis content de le voir. Là, c’est irritant.
‑ Non, non, Tristan, ne t’en fais pas ! Mais étant dans le coin… Et puis ça fait longtemps !
‑ C’est embêtant, je travaille sur une nouvelle instant.
Cela peut être déconcertant, mais quand j’écris, je ne souffre aucun contretemps.
Gaétan ne s’éclipse pas pour autant.
‑ Tu dois bien faire une pause de temps en temps ? Et tu as vu ce superbe temps ? Viens, sortons un instant !
‑ C’est tentant, mais je n’ai vraiment pas le temps.
Il se fait insistant ; je répète que je ne suis pas partant.
‑ Tu m’as l’air tendu, c’est presque inquiétant. Tu devrais peut-être prendre un petit remontant, dit-il en plaisantant.
‑ Tu te prends pour mon médecin traitant ? je réplique en me contractant.
‑ Attends, tu n’es plus un débutant… Ta nouvelle instant, tu vas nous l’écrire en deux temps trois mouvements !
Sa remarque me fait l’effet d’une piqûre de taon :
‑ Tu ne te rends pas compte ! C’est un travail de titan !
‑ J’entends bien, mais n’oublie pas de prendre aussi du bon temps.
‑ L’écriture est ma passion, pas un simple passe-temps. Et tu connais mon tempérament : quand je suis lancé sur quelque chose, je suis constant.
‑ Conçois que cela puisse être déroutant !
‑ Je sais, mais il y a tant à faire ! Trouver un sujet consistant, construire un récit palpitant, broder des dialogues excitants. C’est un effort de chaque instant !
‑ Le prix à payer me paraît exorbitant, soupire Gaétan.
‑ Non, car écrire est aussi exaltant. Crois-moi, je suis pleinement consentant !
‑ Dans ce cas, Tristan, je vais arrêter de te faire perdre ton temps.
‑ Désolé, tant que je n’aurai pas fini ce texte, je vais être un peu obnubilé par le temps, je tempère.
‑ T’inquiète ! Et puis on n’a plus vingt ans. La prochaine fois je préviendrai avant de tambouriner à ta porte.
‑ Epatant !
Je me remets à l’ouvrage, le cœur battant.