La fée des abeilles

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– Hummm, ça sent trop bon ! s’exclame Lilas en humant le bouquet de muguet qu’elle vient de ramasser.
Elle et sa maman adorent les fleurs. Depuis que la famille a emménagé dans sa nouvelle maison, elles ont transformé le jardin en petit paradis, en y plantant toutes sortes de fleurs, aux mille couleurs. Le papa de Lilas s’occupe du potager, où il fait pousser de délicieux légumes. Il apprend à la petite fille le rôle des vers de terre, qui gardent le sol bien aéré et fertile. Et aussi des abeilles, qui pollinisent les plantes. Toutes les fleurs au nectar sucré attirent d’ailleurs de nombreuses abeilles dans leur jardin.

Un matin, Lilas découvre une abeille morte près d’une coupelle d’eau. Elle ramasse délicatement la petite créature, et l’enterre dans un coin du jardin. Le lendemain c’est douze autres abeilles qu’elle trouve sur le dos au pied de la haie. Bouleversée, la petite fille les montre à ses parents.

– Mr Germain, le maraîcher, a pulvérisé dans ses champs avant-hier, observe son papa gravement.
– C’est quoi pulvériser ? demande Lilas.
– C’est mettre des produits sur les plantes, par exemple des pesticides, pour les protéger des maladies.
– Et ça tue les abeilles, les petsicides ? interroge la petite fille.
– Les pesticides, corrige son papa. Oui, parfois…
– Alors il faut lui dire d’arrêter d’en mettre !
– Ce n’est pas si simple, ma chérie.
– Mais les abeilles vont toutes mourir ! s’insurge Lilas.
– Toutes les abeilles n’ont pas encore disparu, la rassure son papa.

Mais Lilas n’est pas rassurée. Le lendemain, elle voit Tom, le fils de Mr Germain, dans la cour de récréation. Prenant son courage à deux mains, elle va lui parler.
– Toutes les abeilles meurent dans mon jardin, et mon papa dit que c’est à cause des produits que le tien met sur ses cultures, avance-t-elle.
– Qu’est-ce qu’il en sait ? Et tu te prends pour qui, d’abord ? réplique Tom, qui lui tire la langue avant de partir en courant.

Lilas continue à trouver régulièrement des abeilles mortes dans son jardin, ce qui l’attriste beaucoup. Pendant la semaine de la science, le maître demande à chaque élève de sa classe de faire un exposé, sur le sujet de son choix. Lilas choisit d’en préparer un sur les abeilles.

Pendant sa présentation, Lilas explique à ses camarades comment les insectes pollinisent les fleurs, et permettent la culture de nombreux fruits et légumes. Elle ajoute que les abeilles meurent à cause de la pollution et des pesticides. Tout à coup, elle entend une voix fuser :
– Moi j’aime pas les abeilles !
C’est Tom Germain, qui est assis au fond de la classe.
– C’est des sales bêtes. Je me suis déjà fait piquer sept fois ! dit-il.
Lilas, se rappelle toutes les fois où elle a vu Tom battre les arbustes à grands coups de bâton.
– C’est de ta faute aussi, si tu les énerves ! réplique-t-elle.
– N’empêche, c’est des sales bêtes, s’entête-t-il.
– Tu aimes les fraises ? lui demande Lilas.
– Oui, pourquoi ?
– Sans abeilles, plus de fraises, conclut-elle.

L’éventualité de ne plus avoir de fraises au dessert fait grosse impression sur les enfants. Tous parlent donc le soir à la maison de la disparition des abeilles, et de ses terribles conséquences.

Beaucoup de parents avaient aussi remarqué la mort de nombreuses abeilles à certaines périodes de l’année. Ensemble, ils décident de parler avec Mr Germain. Le papa et le maître de Lilas sont choisis pour y aller. La petite fille demande à les accompagner.

L’instituteur explique au maraîcher les inquiétudes des habitants au sujet des abeilles, ainsi que pour la santé de leurs enfants. Tous ces pesticides, ça ne peut pas être bon pour eux ! Lilas jette de temps en temps un œil vers Tom, qui est assis dans un coin, la mine renfrognée. Après les avoir attentivement écoutés, Mr Germain avoue son impuissance :
– Si vous croyez que j’ai le choix ! Sans pesticides, mes cultures sont attaquées par toutes sortes d’insectes, et mon rendement diminue.
– Avez-vous pensé à faire de l’agriculture biologique ? suggère le papa de Lilas.
– Bien sûr. Mais ça demande beaucoup d’argent au début. Je devrai vendre mes légumes plus chers, je risque de perdre des clients, soupire Mr Germain.
– Je pense que beaucoup de parents d’élèves seraient ravis d’acheter des légumes biologiques produits dans le village, remarque l’instituteur.
– Malheureusement, je ne peux pas faire un tel investissement maintenant, s’excuse Mr Germain.
Devant l’absence de solution, Lilas et les adultes repartent de chez le maraîcher.

De retour à la maison, la petite fille interroge son papa.
– C’est quoi l’agriculture biologique ?
– C’est faire pousser des fruits et des légumes sans produits chimiques.
– Et donc les abeilles ne meurent pas ?
– Exactement.
– Pourquoi Mr Germain ne veut pas le faire ? s’insurge Lilas.
– Parce que ça coûte plus cher, et qu’il n’a pas assez d’argent pour l’instant.

Le soir dans son lit, Lilas n’arrive pas à s’endormir. Elle se souvient alors d’une histoire que lui avait racontée sa meilleure amie, Déborah. Un bébé était très malade et avait besoin d’une opération très chère. Des gens avaient créé une campagne de financement participatif sur internet, et rassemblé de l’argent pour payer l’opération. Le bébé avait été sauvé. Voilà la solution ! Ils vont faire la même chose pour aider Mr Germain, et ainsi sauver les abeilles.

Le lendemain matin, Lilas partage son idée avec ses parents.
– Ca vaut la peine d’essayer, s’exclame sa maman.
Ses parents en parlent à Mr Germain, qui accepte la proposition. Ils lancent une campagne sur internet, et en à peine dix jours la somme dont le maraîcher a besoin est rassemblée.

Mr Germain récolte enfin ses premiers fruits et légumes biologiques. Il vient les vendre à la sortie de l’école. Les parents d’élèves sont enthousiastes et ses produits partent comme des petits pains.

Lilas est très fière ! Grâce elle, les abeilles du village sont sauvées. Un samedi, on sonne à la porte. Lilas va ouvrir et se retrouve nez à nez avec Tom. Il lui tend alors un bocal en souriant :
– Tiens, le premier miel de nos ruches.